inftructions au Cardinal de la Tremouille, qui d'abord avoit appris la nouvelle de la Commiflion confiée à l'Abbé Chevalier fans en paroître mécontent. Il s'étoit même propofé de le loger; mais en arrivant à Gennes l'Abbé trouva une lettre " par laquelle on lui mandoit de Rome que ce Cardinal avoit changé de fentiment & lui avoit fait arrêter un logement proche de fon Palais.

STY

Il eft affez vraisemblable que le Pape lui-même, ou le P. Laffiteau Jefuite que Sa Sainteté avoit détaché depuis peu auprès du Cardinal de la Tremouille, avoit pu lui faire regarder la Commiffion de l'Abbé comme peu agreable à fon Eminence ce qui lui avoit fans doute inspiré d'autres idées que celles qu'elle avoit eues jufqu'alors. L'Abbé, durant fon féjour, eur lieu de s'en appercevoir car il s'en fallut beaucoup que ce Miniftre, par la fuite, preffât le Pape autant qu'il le pouvoit & qu'il le devoit fur le refus d'audience. Et certainement ce refus étoit humiliant pour le Regent, & fut très-mal repouffé du côté de France. On avoit même donné lieu à un homme auffi fin. & auffi adroit que Clement XI. de colorer en quelque maniere une pareille infulte, que le faint Pere auroit eu bien de la peine à foutenir jusqu'au bout, fi la Lettre de créance de l'Abbé Chevalier, au lieu d'être donnée pour le Cardinal de la Tremouille avoit été donnée pour le

Cependant ce Cardinal, dès que l'Abbé

fut arrivé, parut

fi content de fon entretien & de fes manieres, qu'il s'en expliqua très-obligeamment dans fa dépêche

a la Cour. Le Maréchal d'Huxelles, dans 30 Juin une feconde lettre, voulut bien en infor- 1716. mer fon Correfpondant, & lui témoignoit en même tems l'envie qu'il avoit que le fuccès de fes foins répondit à fon zele & à fes talens.

mais

Comme le Pape ne fe déterminoit jarien qu'après beaucoup d'irréfolutions & de cérémonies, il fut du tems à prendre fon parti fur ce qu'il fercit à l'égard de l'Abbé Chevalier. Enfin il nomma pour l'écouter le Cardinal Paulucci fon Miniftre, & fon Grand-Pénitencier. D'étroites liaisons d'amitié l'uniffoient au Cardinal Fabroni, qu'il regaidoit comme fon maître, & qu'il croyoit fort fçavant, parce que lui-même ne l'étoit guéres & qu'il avoit peu d'efprit : au furplus beaucoup de régularité dans les mœurs, un naturel doux & modere, mais une fermeté rigide lorfqu'il s'agiffoit des interêts de la Cour Romaine.

:

Le Pape n'avoit permis cette entrevûe qu'à condition qu'on ne parleroit point contre fa Bulle auffi fut-il réfolu qu'on fe renfermeroit dans un fimple expofé du fait de l'acceptation. On le fit exactement; & cet expofé bien mis au clair, fur plus que fuffifant dans la fuite pour

2 Juillet

1716.

démontrer que l'acceptation faite en France n'étoit rien moins que pure & fimple.

Le Cardinal Paulucci reçut l'Abbé trèspoliment, & lui dit que quoique Sa Sainteté ne pût goûter fa commiflion, elle aimoit mieux néanmoins qu'il en fût chargé qu'un autre. Ensuite il lui demanda quels étoient fes ordres. L'Abbé répondit qu'il étoit impoffible de lui en expliquer l'étendue dans une conversation, parce qu'il ne s'agiffoit pas de demander à Sa Sainteté une grace qu'on pût lui propofer en deux mots, mais qu'il étoit chargé de lui préfenter divers moyens d'appaifer les troubles de l'Eglife de France; de la prier d'approfondir les differens avantages de tous ces moyens; de lui permettre d'entrer avec Elle dans cet examen & de le mettre en état de la fatisfaire fur les divers inconveniens qu'Elle pourroit y trouver.

Il tint ce langage, parce que le Cardinal de la Tremouille lui avoit fur tout recommandé d'éviter toute propofition précise, de crainte que le Pape ne refusât de l'écouter, fous prétexte qu'on n'appor toit rien de nouveau. Le Cardinal Paulucci ne fe contenta pas de la reponse, & repliqua que le Pape feroit bien aife d'apprendre un peu plus précisément quel étoit le fujet & le but de fa commiffion. L'Abbé repartit que s'il ne s'agiffoit que de donner une idée générale des moyens

II

de pacification qu'il étoit chargé de propo fer, il n'avoit rien à ajouter à ce que Sa Sainteté pouvoit elle-même avoir appris par la lecture de la Lettre du Roi préfentée par le Cardinal de la Tremouille; mais que fa commiffion renfermoit quelque chofe de plus ; qu'il étoit chargé de repréfenter au S. Pere l'état de l'Eglife de France, & les troubles qui l'agitoient, qu'on ne doutoit point que Sa Sainteté ne le portât d'elle-même à remedier au mal, quand elle en feroit bien informée : que ce mal confiftoit dans la divifion qui partageoit nos Eglifes au fujet de la derniere Conftitution que cette divifion avoit été par les difficultés qu'on avoit fur quelques propofitions que la Bulle avoit condamnées que les préliminaires de fa commiffion l'obligeoit donc à lui remettre un abregé de ces difficultés qu'on prenoit la liberté de lui représenter, & que de leur examen dependoit le choix de celui des moyens qui feroit le plus propre à les lever : que le S. Pere devoit cet examen aux voeux de tout un Royaume, à fa charité, & (s'il l'ofoit dire à fon honneur: qu'on n'avoit differé d'accepter fa Bulle, ni par defaut de refpect, ni par efprit de revolte, mais de la meilleure foi du monde, pour l'interêt de l'Eglife, &

caufée

de

pour l'honneur même de Sa Sainteté,
crainte qu'en acceptant fa Bulle avant
que l'efprit en fut. déterminé, l'on ne prit
occafion d'en abufer, ou d'infulter même

à l'Eglife, & au S. Siege
& au S. Siege, comme on
ne l'avoit déja que trop fait.

Cette Eminence paroiffant l'écouter avec affez de bonté & d'attention, il infifta fur ce que Sa Sainteté ne s'engageoit à rien, en faifant examiner ces difficultés : puifqu'aprés tout il étoit aufli facile de les méprifer, fuppofé qu'on ne les trouvât de nulle importance, qu'il étoit neceffaire d'y repondre en cas qu'elles fuffent trouvées folides ; & il ajouta que fi le S. Pere les trouvoit dignes d'être examinées, il entreroit enfuite dans la difcuffion des moyens de pacification, fans s'y reftraindre pourtant, fuppofé que le Pape en eût quelqu'autre à propofer; & qu'il fe flatoit de faire voir que tel expedient, pour lequel on avoit plus infpiré d'oppofition au Š. Pere, étoit peut-être, à tout prendre le plus utile à l'Eglife, & le plus honorable au S. Siege. Enfin il conclur en difant au Cardinal que par cette feule idée fon Eminence pouvoit juger, que fa commiffion n'étoit pas l'affaire d'une audience.

Il expofa pourtant fommairement les moyens de pacification qu'il avoit à propofer; & fur le cinquiéme, qui étoit le Concile National, comme il s'aperçût qu'on en avoit peur, il infinua qu'on fe

roit forcé d'avoir recours à cette reflource fuppofé qu'on n'en trouvât aucune du côté de la Cour Romaine.

Le Cardinal Paulucci promit de faire

fon

T