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la richesse qui est icy amassé; et puis quant la eust eté une espace de temps il regarda et veit une aultre chambre; puis quant dedans fut entré, si grans richesses avoit veues encores, les trouva il plus grans, car la dedans estoyent unes ausmoires moult riches et grandes a merveilles, qui estoyent faictes de fine yvoire tant richement ouvrées et entaillées que beste ne oyseau qui au monde fust on ne avoit laissé que la ne fust entaillé par grant maitrise; dedans les ausmoires y avoit robbes de fine drap d'or et de moult riches manteaulx soubelins et toutes aultres choses qui appartenoyent a vestir a homme; puis estoyent les licts et les couches tant richement couverts et parez que n'est nul qui dire le vous sceust. Car tant estoit la chambre belle et riche que Huon ne se pouoyt saouller de la voir: Leans avoit fenestres et voirrieres moult riches par lesquelles l'on veoit ung jardin, lequel estoit tant bel et si bien garny de fleurs moult odorans, et de tous arbres chargées de plusieurs fruicts, lesquelz estoyent tant delicieux a manger que il nestoyt que seullement a sentir l'odeur ne feust ressazie et remply. D'aultre part y avoit d'herbes et de fleurs que si tres grant odeur rendoyent que il sembloyt que tout le jardin feust plain de basme.

No. 12, p. 314.

GUERIN DE MONTGLAVE.

Or sont les champions dedans le parc corps a corps pour combatre si s'eslongnent lung de l'autre; puis brochent leurs chevaulx et vont l'ung contre l'autre comme preux Chevalliers qu'ils estoient, et se donnent trois coups de glaive sans rompre ne entamer haulbers ne sans tumber a terre. La quatrieme fois rompirent leurs lances puis tirerent leurs brands d'acier; Roland avoit Durandal sa bonne espée; et en geta ung coup a Olivier, et Olivier se couvre de son escu; mais l'espee y entra plus d'ung pied et demy. Vassal, dist Roland, vous devez bien aymer l'escu que vous a saulvé ce coup: et ainsi que Roland tiroit son espée Olivier le frapa ung tel coup que Roland n'eust puissance de lever Durandal, et Durandal tombe a terre. Et Olivier suyvit Roland tant comme il peust, et se combatyrent assez longuement: mais Roland n'osoit approcher d'Olivier, car Olivier avoit bonne espée dont il fiert Roland de toutes pars: si alla tant variant et

ou non.

fuyant Olivier que les destriers furent moult las: et Roland s'est eslongné et broche de l'esperon, et descend a pied vueille Olivier Et quant Olivier le voit si fust bien courroucé, et voit bien que s'il ne descend qu'il luy occira son destrier. Si est descendu Olivier, et Roland prent Durandal: et quant il la tint il ne' l'eust pas donnée pour tout l'or du monde. Or sont les barons a pied, et tint chascun son blason et chascun sa bonne espée, et se donnent de grans coups; car chascun est fier et de grant puissance. Olivier le ferit ung coup sur le coeffe d'acier tant que le sercle qui estoit d'or cheut en la pree, et fust de ce coup tout etonné, tant qu'il chancela troys coups la teste contre bas. Et quant Roland revint en force il eut grant honte, et regarda Belleaude qui estoyt sur la Tour. Par mon chef, dist Rolant, or ne vaulx Je riens si Je ne me delivre tantost docire Olivier. Lors fiert Olivier tantost sur sa targe tel coup qu'il emporta la piece jusques a terre: puis courut sus a Olivier tellement qu'ils sont tous deux cheuz. Or sont les deux barons tumbez a terre, et laisserent leurs espées, et se embrassent et estraignent l'ung l'autre; mais ne l'ung ne l'autre ne le peust oncques gaigner ne avoir son compaignon; si frappent des ganteletz d'acier l'ung contre l'auter, par le visaige, si que le sang en coule a terre; si furent tant en ce point lassez et travaillez qu'ils se sont relevez par accord, et revont aux espees comme devant.

No. 13, p. 316.

GALYEN RHETORÉ.

Sitot que Galyen eut advisé le Pere qui l'engendra, il descendit de dessus son Cheval et l'ala embrasser; et moult courtoisement l'osta hors de l'estour, et le porta decoste le rocher, et le posa a terre sur le bel herbe vert; puis se coucha decost lui, et moult piteusement le regreta en disant-" Helas pere, Je voy qu'il vous convient mourir; mal venistes oncques par deca. Jaqueline ma mere qui m'a long temps nourry en Constantinople ne vous verra jamais. Et Olivier lui respont-" Tu dits vrai, mon tres doulx fils, mais ung jour qui passa lui avoie fait promesse de retourner et de l'epouser: mais nous venismes deca qui men a garde; ne oncques puis ne retournay en France, dont mon cueur est dolent-Je la commande a Dieu qui le Monde forma. Le Duc Regnier

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mon pere, et ma dame de mere, qui en ses flans me porta, ne ma seur Bellaude jamais ne me verra: Helas Doulx Jesus! quelle douleur aura le Roy Charlemaigne de ceste mort quand il le saura-helas pourquoy ne venez vous cy Charlemaigne! Et vous mon chier enfant, qui souvent me baisez, Dieu vous veuille tousjours avoir en sa saincte protection et garde. Adieu mon tres gracieulx et doulx enfant, qui en vostre giron et sur vos genoulx me tenez-Adieu Jaqueline ma tres doulce Amye; pardonnez moi gentil Damoyselle car Je ne vous ay pas tenu promesse; ce a eté par les faulx desloyaulx paiens que Dieu mauldie—Adieu vous dy plaisante Seur Bellaude, car moult grant douleur aurez de ma mort quant vous le scaurez : de vos beaulx yeux vers et rians arrouserez souvent votre doulce face. Tres doulce seur plus ne me baiserez, puis qu'a la mort Je dois le corps rendre." Le vaillant Conte Olivier estoit couché sur la terre nue, ou la mort angoisseussement le tourmentoit, et son fils Galyen lui faisoit ombre pour la chaleur de Soleil, qui merveilleusement estoit chault, qui raioit sur sa face; et Rolant estoit au pres qui moult regretoit sa mort et piteusement plouroit a grosses larmes. Adonc Olivier se commanda a Dieu, et la veue lui alla troubler, et lui partit l'ame du corps. A l'heure, eust eu le cueur bien dur qui n'eust plouré de pitie, du dueil qui demenoit Galyen et Rolant.

No. 14, p. 328.

DOOLIN DE MAYENCE.

Se trouvant ainsi seulet Dolin commenca a cercher par le palais deca et dela, mais il n'y trouva creature vivant. Mais comme il n'eust de ce jour gueres mangé l'appetit luy commenca a venir, parquoy il descendit en la cuisine ou il trouva viandes a foison, chair fresche et salée toutehabillé, et venaison, vollaibles, pain, vin et autres victuailles a planté. Et ainsi qu'il vouloit couvrir la table, pour prendre sa refection, il ouyt une douce voix qui chantoit fort melodieusement, tellement qu il navoit onc ouyt chose qui fust si plaisant a ouyr, et pensoit assurement que ce fust quelque Ange du ciel, parquoy il jura que il ne mangeroit ne prendroit viande, premier qu'il eust sceu ce que c'estoit. Alors il commenca a cercher d'un costé et d'autre par le palais, tant que finalement il se trouva pres d'une chambre en laquelle il apper

ceut une belle jeune damoyselle toute seule, assise sur un lict couvert d'un samis verd, laquelle il regarda a travers une fonte de l'huis, et la trouva si belle qu'a son advisal estoit impossible de trouver au monde son parragon; sa robbe estoit d'un fin satin verd, faicte a l'Alemand, bordée de quatre bords de passement blanc, et avoit ceinte une ceinture qui estoit faicte toute de perles et pierreries montant a la valeur de plus de cent marcs d'argent; elle avoit les yeux clairs et estincellans comme l'estoile de jour, la bouche petite et riante, le couleur vermeille comme la rose, les cheveux longs pendans sur les espaules jaunes comme fil d'or, et avoit sur son chef un chappeau de perles fines. Elle estoit aagée seulement de seize ans et deux mois, mais elle estoit tant sage et bien apprise que merveilles, gracieuse et fort courtoise en son langage: elle s'estoit retir e en ceste chambre pour un peu reposer apres disnee, et s'estoit mise a chanter pour chasser le sommeil. Dolin la contemplant a son aise disoit a part soy, que jamais il n'avoit veu si belle creature; comme aussi il n'en avoit pas beaucoup veu: Je ne scay, dist il si c'est un Ange du ciel, ou quelque autre chose encore plus divine, car Je croy qu'onc il n'en fut telle de mere née: et fut alors si ardemment esprits de l'amour d'elle, qu'il ne pouvoit penser a autre chose qu'a sa divine beaulté. Estant de tout embrasé de l'ardeur que ce jeune archer aveugle luy faisoit sentir jusques au moelles il ne scavoit en quoy se resoudre, craignant par trop de l'offenser s'il luy rompoit son repos; ce neantmoint apres avoir sur ce longuement discource en son esprit il se print a hurter a l'huis de la chambre tout bellement, et luy dist: Gracieuse Damoyselle, Je vous prie par courtoisie que vueillez m'ouvrir l'huis de ceste chambre. Elle cuidant que ce fust un sien cousin, qui ordinairement hantoit en la maison, luy feit ouverture de la chambre, parquoy Dolin entra dedans, et la salue comme il scavoit bien faire; mais elle voyant que ce n'estoit celuy qu'elle avoit cuidé estre changea de couleur, parquoy son teinct n'en devint que plus beau, et luy ayant rendu son salut luy dist: Je me donne grand merveille Seigneur, qui vous a donné tant de licence de me venir trouver en ce lieu. A quoy il respondit promptement: Certainement ma Dame, l'amour vehemente que Je vous porte, et non autre respect, m'a acheminé en ce lieu, non point pour vous donner ennuy ou fascherie, mais pour vous presenter mon service, s'il vous plaist l'avoir pour agreable, vous priant me dire pourquoy vous vous tenez ainsi seulette en ce chambre. Sire Chevalier, respondit elle, la cour

toisie de voz parolles m'incite a vous declarer chose qui ne m'est de moindre importance que de la vie.-Scachez que la tristesse et angoisse qui m'afflige le coeur ne me permettent reposer de nuict ni de jour, et ce pourtant que mon pere a deliberé de me bailler pour femme a un ancien chevalier qui de n'agueres m'a demandée en mariage, lequel venant a estre consommé Je n'auray de ma vie un seul jour de soulas, pourtant que Je ne pourray jamais aymer celuy qui est a moy si inegal. Ma dame vous estes maintenant delivré d'un tel mariage, et pourtant si cest vostre plaisir de prendre ma foy, et me donner la vostre, Je vous emmeneray avec moy en mon palais, ou vous serez servie et honnorée, et la Je vous espouseray solennellement: mais entretant, Je vous prie qu'il vous plaise avoir esgard a l'amour grand que Je vous porte, et le recompenser d'un amour reciproque, en ne me refusant ce point tant desiré que l'on nomme le don de merci. Quand elle l'entendit parler ce langage elle commenca a muer couleur, mais il la print entre ses bras et la baisa. Puis il dressa la table, laquelle il couvrit de plusieurs sortes de mets, et de pain et vin excellent; puis il s'assit tout aupres d'elle, et en la reconfortant, luy dist. Ma dame et maitresse de mon coeur, Je vous prie ne vous melancoliez que le moins que vous pourrez, car, moyennant la grace de Dieu, J'espere vous faire en brief Dame de Mayence la Grande. Ainsi ils soupperent et se repeurent a leur aise, ne prenans propos que d'amour, et durant le soupper ne se pouvoyent saouler de regarder l'un l'autre. Apres le soupper, ils s'en allerent tous deux coucher en un beau lict richement garni, ou les baisers et accolades qu'ils s'entredonnerent furent infinies et sans nombre; s'ils se contenterent de cela seulement Je de laisse penser a ceux qui autres fois se sont trouvez en telles escarmouches: vray est que l'un et l'autre estoit aprentif a tel mestier, mais il ne tarda gueres qu'ils y furent aussi bons maistres que les plus experimentez, et eussent voulu que la nuict eust duré un an entier tant ils estoyent ravis.

No. 15, p. 335.

OGIER LE DANOIS.

Adonc Morgue la Fae le mena par la main au Chasteau d'Aval1on, là ou estoit le Roy Artus son frere, et Auberon, et Mallabron

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