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de détail, tout en se trompant sur l'ensemble; et quand les systêmes ont passé, les vérités demeurent.

Il y a de plus un côté juste dans cette hypothèse, qui, d'ailleurs, au moment où l'incrédulité dogmatique inspire une sorte de fatigue, doit, comme le théisme, et comme le panthéisme, flatter le sentiment religieux chassé de son asyle et cherchant un refuge. Et nous n'hésitons pas à le prédire, nous la verrons bientôt en France, remplacer le système étroit et aride de Dupuis. Ce sera un triomphe pour l'imagination, et sous quelques rapports un gain pour la science (1).

(1) Ce n'est pas sans une satisfaction véritable que nous annonçons que l'ensemble de ce nouveau système allemand sera bientôt mis sous les yeux du public français par un jeune écrivain, qui réunit aux plus vastes connaissances une sagacité rare, une bonne foi plus rare encore, et une impartialité dont notre littérature offre peu d'exemples. M. Guignaud fera bientôt paraître une traduction de la Symbolique de Creutzer, ouvrage qui a commandé l'attention de toute l'Europe savante, mais qui a le défaut de manquer, dans l'original, de cette méthode et de cette clarté dont la France seule éprouve le besoin et apprécie le mérite. Le traducteur a remédié à

Néanmoins les savants qui l'ont adoptée, nous paraissent avoir méconnu une vérité corrélative sans laquelle ce systême a le défaut caractéristique de tous les systêmes.

Sans doute, la religion est la langue dans laquelle la nature parle à l'homme; mais cette langue varie, elle n'a point été la même à toutes les époques, dans la bouche des peuples ou de la classe éclairée qui gouvernait ces peuples. La religion est soumise, pour cette classe comme pour le vulgaire, à une

ce grave inconvénient, en refondant ce livre, et en replaçant les idées importantes dont il est semé dans leur ordre naturel. Ce que le plan de notre ouvrage et ses bornes nous interdisaient de développer recevra, par le travail de M. Guignaud, des développements inattendus; et bien que ses opinions et nos doutes se trouvent quelquefois en opposition, nous pensons que souvent il aura, sans le vouloir, fortifié de preuves incontestables les vérités que nous avons tâché d'établir. Dans tous les cas, le travail de M. Guignaud aura l'immense utilité d'ouvrir aux amis de la pensée et aux admirateurs de l'antiquité une carrière tout-à-fait nouvelle, et d'agrandir la sphère des idées sur les religions anciennes, sphère beaucoup trop rétrécie par les érudits du siècle dernier, et dont le grand travail de Dupuis nous a fait prendre, depuis vingt ans, une petite partie pour le tout.

progression régulière à laquelle les prêtres obéissent aussi bien que les tribus qu'ils dominent. Cette progression est plus mystérieuse dans les doctrines sacerdotales, parce que sous le joug sacerdotal tout est mystérieux. Quelquefois aussi elle est plus lente, parce que les prêtres font tous leurs efforts pour la retarder. Mais elle n'en est pas moins inévítable et déterminée par des lois fixes, qui ont leur origine dans le coeur humain. On s'égare donc, lorsqu'au lieu de regarder la doctrine la plus pure comme le résultat des travaux, des progrès, en un mot, de l'amélioration morale et intellectuelle de l'espèce humaine, on suppose que cette doctrine a précédé, on ne sait comment, toutes les autres doctrines, et lorsqu'on la place à une époque où l'homme était incapable de la concevoir, pour en faire honneur à des colléges de prêtres; ces prêtres, plus savants, et surtout plus rusés que la masse du peuple, étaient bien éloignés toutefois d'avoir pu s'élever à des conceptions qui ne sauraient être que le résultat lent et graduel d'une série d'efforts assidus, de découvertes accumulées, et de méditations non interrompues.

Vouloir faire de la religion une unité immuable et seulement voilée aux regards profanes, se flatter qu'on découvrira cette langue unique, et qu'alors les cultes, les dogmes, les symboles de toutes les nations se révéleront à nos yeux comme une portion de cette langue sacrée, c'est se bercer d'un espoir chimérique. Ce n'est ni dans les symboles, ni dans les doctrines que cette unité, peut se trouver. Mais pénétrez dans la nature de l'homme, vous y apercevrez, si vous l'étudiez bien, la source unique de toutes les religions et le germe de toutes les modifications qu'elles subissent.

CHAPITRE VII.

Plan de notre ouvrage.

Le tableau que nous venons de tracer des diverses manières dont on a jusqu'ici considéré la religion, nous paraît prouver qu'il existe encore sur ce point important une lacune. Nous avons essayé de la remplir autant que nous l'ont permis nos forces.

Nous n'avons déclaré la guerre à aucun dogme: nous n'avons attaqué la divinité d'aucune des croyances qu'entoure la vénération publique. Mais nous avons pensé qu'on pouvait écarter avec respect, car tout ce qui touche à la religion mérite du respect, nous avons pensé, disons-nous, qu'on pouvait écarter avec respect des questions épineuses, et partir d'un fait qui nous semble évident.

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