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plusieurs milliers (1). De même, quand leur récolte a été mauvaise, les paysans russes, que le pouvoir absolu pense avoir convertis, empruntent de leurs voisins plus heureux des saints plus efficaces (2). Les Athéniens, avant la bataille de Marathon, instituèrent le culte de Pan, qu'ils n'avaient point adoré jusqu'à cette époque (3); et Louis XI, dont nous venons de parler, rassembla près de son lit de mort les reliques de toute la terre (4).

<«< monde à son disner et à d'autres, lui reprochant ladiste «< affaire, et lui répétant souvent qu'il avoit fait mourir «< son frère. Qui fust estonné? ce fust le roy. Il ne fait pas « bon se fier à ces fols, qui quelques foys font des traits de << sages, et disent tout ce qu'ils savent, ou bien le devinent « par quelque instinct divin. Mais il ne le garda guères; << car il passa le pas comme les autres, de peur qu'en réitérant, il eust scandalisé davantage. » BRANTOME, Éloge

de Charles VIII.

(1) Roemers Nachrichten von der Küste Guinea, p. 16.

(2) Weber, veraendertes Russland, II, 198. Les tribus qui habitent les frontières de la Russie ont mis au nombre de leurs dieux saint Nicolas. LÉVÊQUE, Excurs. sur le schamanisme, dans sa traduction de Thucydide, III, 292. (3) HERODOTE, VI, 105.

(4) Le

pape lui envoya le corporal sur quoy, dit Philippe de Commines, chantoit monseigneur Saint-Pierre.

Une fois entré dans cette route, l'homme est forcé de la suivre jusqu'au bout; ayant conçu ses dieux semblables à lui par leurs passions, il les conçoit tels par leurs besoius, leurs habitudes et leur destinée. Les déesses des Kamtschadales portent comme les femmes leurs nouveau-nés sur leur dos. Ces enfants divins souffrent et pleurent comme les enfants des hommes et toutes les nuits, descendant des montagnes, cet Olympe grossier court vers le rivage, aussi ardent à la pêche, mais plus adroit et plus heureux que la race mortelle (1).

Il fit venir la sainte ampoule de Reims, et on lui apporta de Constantinople beaucoup de choses miraculeuses qui étaient restées entre les mains du Grand Turc. PHIL. DE COMM. Faits et gestes du roi Louis XI.

(1) Il n'y a pas jusqu'à la mort, à laquelle, entre autres calamités humaines, les Sauvages ne croient leurs fétiches exposés. Les Groenlandais disent que le plus puissant des leurs, Tornarsuk, peut être tué par l'impétuosité du vent, et que l'attouchement d'un chien le ferait mourir. (Egede, Nachrichten von Groënland, 93, 256.) Au reste, nos livres sacrés nous montrent Jehovah se prêtant à la faiblesse des hommes, et se soumettant à leurs cérémonies. Lorsqu'il jure l'alliance qu'il conclut avec Abraham, il traverse les victimes immolées et séparées par la moitié, parce que cette formalité symbolique rendait chez les Juifs les serments plus obligatoires.

CHAPITRE III.

Efforts du sentiment religieux pour s'élever au-dessus de cette forme.

TEL

EL est donc le culte de l'état sauvage (1). C'est la religion à l'époque la plus brute de l'esprit humain. Elle est en arrière de toutes les formes que nous aurons bientôt à décrire. Elle ne réunit point ses dieux en un corps, comme le polythéisme des nations policées. Ses vagues notions du grand Esprit ne s'élèvent point à la hauteur du théisme. Elle choisit ses protecteurs dans une sphère bien inférieure. Elle n'a point l'esprit jaloux, mais compact de la théocratie, qui, plaçant son dieu en hostilité perpétuelle avec tous les autres,

(1) Nous n'avons pu présenter ici que les traits principaux et généraux de ce culte. Il y a, comme dans toutes les croyances, plusieurs gradations; nous ne saurions les détailler toutes. Chaque forme et chaque époque des idées religieuses pourrait être l'objet en diminutif de l'histoire que nous essayons de tracer en grand.

crée l'esprit national et le patriotisme par l'intolérance.

Dans cette conception étroite et informe réside néanmoins le germe des hautes idées qui, par la suite, se déploieront à nos regards.

Les objets consacrés par le culte du Sauvage sont nuisibles, inutiles, monstrueux, ridicules mais n'est-ce pas une preuve évidente du besoin qu'il a d'adorer?

Il attribue la vie et l'intelligence à tous les objets. Il pense que tous agissent sur l'homme, lui parlent, le menacent, l'avertissent. Le spiritualiste, qui n'aperçoit rien dans la nature qui ne soit animé de l'esprit divin, le panthéiste, qui conçoit la divinité inhérente à toutes les parties du monde physique, ne font que suivre la route vers laquelle le Sauvage, dans ses notions confuses, dirige ses pas chancelants. Son culte n'est que le sentiment religieux sous sa première forme. C'est l'homme demandant à la nature qu'il ne connaît ni ne peut connaître, où donc est la force, la puissance, la bonté : et ce sentiment religieux, quelque grossier qu'il paraisse encore, est plus noble et plus raisonnable que tous les

systêmes qui ne voient dans la vie qu'un phénomène fortuit, dans l'intelligence qu'un accident passager.

Nous avons indiqué déja quelques-uns des efforts du sentiment religieux pour épurer sa forme. Nous avons reconnu ces efforts dans le Manitou prototype, dans le grand Esprit des cieux ou des mers.

Pour apercevoir clairement la lutte que nous entreprenons de décrire, il suffit de comparer les prières que le Sauvage adresse aux fétiches, et celles qu'il adresse au grand Esprit.

Le Koriaque dit à son idole, en lui immolant des chiens et des rennes : Reçois nos dons, mais envoie-nous à ton tour ce que nous attendons de toi.

en

Ici tout est abject, égoïste et avide. L'hymne du combat des Delawares l'honneur du grand Manitou de la terre, des mers et des cieux, est empreinte au contraire d'une résignation toute religieuse et toute morale.

« Aux armes pour combattre l'ennemi! « Déterrons la hache et prenons la massue. Reverrai-je jamais le toit de mes pères,

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