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bonheur avec le genre humain tout entier, parce que ce bonheur est purement spirituel. Un temps viendra où, sous la forme qui déja se prépare, les biens temporels. étant de nouveau l'objet du désir, la religion sera prodigue d'exclusions et avare de bienfaits, parce que ses ministres seront avides d'or et

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19.

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Cet esprit de tolérance continua long-temps à régner dans l'église primitive. « Les prêtres qui ont gouverné l'église « à laquelle tu présides, écrivait saint Irénée au pape « Victor, ne rompirent jamais la concorde avec ceux qui << arrivaient chez eux, quoiqu'ils fussent membres d'autres églises où l'on observait des coutumes différentes des «<leurs. Ils leur envoyaient, au contraire, l'eucharistie en signe de paix, immédiatement après leur arrivée. » (EUSEB. Hist. Eccl. liv. V, ch. 24. SOCRAT. liv. V, ch. 22. SOZOм. liv. VII, ch. PHOT. Bibliot. ch. 120). Le mot d'hérésie se prend quelquefois en bonne part chez les premiers écrivains du christianisme. Le Symbole des apôtres ne parut pour la première fois que dans le quatrième siècle, après les conciles de Rimini et de Constantinople (PEARSON, Comment. in symb. apost.—MOSHEIM, de Reb. christ. ant. Const. magn. pag. 88 ). « Le juste ne « diffère point du juste, qu'il ait ou qu'il n'ait point vêcu sous la loi; ceux qui avant la loi ont bien vêcu << sont reputés enfants de la loi, et reconnus pour justes. (CLÉMENT d'Alex. Stromat. VI). « Tous les hommes qui « ont vêcu ou qui vivent selon la raison, sont véritable

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de pouvoir. Cette même liberté, le sentiment religieux la revendique pour ce qui regarde les rites et les abstinences. Il proclame l'homme affranchi de toutes les obligations factices, nul ne peut lui imposer un devoir imaginaire (1). Il ne saurait être souillé par rien d'extérieur, aucun jeûne ne lui est prescrit, aucune nourriture ne lui est interdite (2); tant le senti

<< ment chrétiens et à l'abri de toute crainte. » (Saint JUST. Apol. II). « Gloire, honneur et paix à tous ceux qui ont « fait le bien, soit juifs, soit chrétiens. » (Saint CHRYS. Homél. 36, 37). Si on examine attentivement toutes les querelles, toutes les persécutions, tous les massacres religieux qui suivirent la conversion de Constantin, on verra que toutes ces choses si affligeantes ont pris naissance dans les efforts de quelques hommes pour donner à la religion nouvelle une forme dogmatique.

(1) La confession même n'était pas considérée comme obligatoire, Saint Jean Chrysostome dit formellement (Homel. II, in psalm. 50), qu'il faut se confesser à Dieu, qui sait tout, et qui ne reproche jamais les fautes qu'on lui a révélées : « Je ne veux pas, ajoute-t-il, forcer les hommes à découvrir leurs péchés à d'autres hommes. >>

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(2)« Le Christ a effacé l'obligation qui était contre <«< nous, laquelle consistait dans les ordonnances.... Que << personne donc ne vous condamne au sujet du manger «< ou du boire, ou pour la distinction d'un jour de fête, ou

ment religieux, à cette époque de sa renaissance, prend soin de se déclarer indépendant des formes, et tant il redoute de ternir sa pureté par des pratiques qui le rapprocheraient des cultes vieillis qu'il a dédaignés.

« de nouvelle lune, ou de sabbat; car ces choses n'étaient «< que l'ombre de celles qui devaient venir.... Pourquoi « donc vous charge-t-on de ces préceptes.... en vous << disant ne mangez point de ceci.... préceptes qui sont << tous pernicieux par leurs abus, n'étant fondés que sur «< des ordonnances et des doctrines humaines. » ( Épit. de saint Paul aux Coloss. ch. II, v. 14, 16, 17, 21 et 22). Nous pourrions citer encore l'autorité de saint Pierre, autorité plus imposante, parce que saint Pierre était bien plus attaché au judaïsme que saint Paul, et qu'il eut besoin d'une vision miraculeuse pour renoncer aux abstinences de l'ancienne loi (Act. des Ap. ch. X, v. 13, 14 << et 15). « Le chrétien, dit Tertullien, ne peut être « souillé par rien d'extérieur; Dieu ne lui a prescrit aucun ́« jeùne, il ne lui a défendu aucun aliment; ce qu'il lui a interdit, ce sont les actions qui sont mauvaises; ce qu'il « lui a ordonné, ce sont les actions qui sont bonnes. » (de Jej, adv. Psych.)

CHAPITRE III.

Que l'effet moral des mythologies prouve la distinction que nous voulons établir.

Ce n'est pas seulement pour comprendre la

marche générale de la religion qu'il faut distinguer le sentiment religieux d'avec ses formes, il faut aussi reconnaître cette distinction pour résoudre des questions de détail qui ont présenté jusqu'à ce jour d'insurmontables difficultés.

Des nations puissantes et policées ont adoré des dieux qui leur donnaient l'exemple de tous les vices. Qui n'eût pensé que ce scandaleux exemple devait corrompre les adorateurs? Au contraire, ces nations, aussi long-temps qu'elles sont restées fidèles à ce culte, ont offert le spectacle des plus hautes vertus.

Ce n'est pas tout. Ces mêmes nations se sont détachées de leur croyance, et c'est alors

qu'elles se sont plongées dans tous les abîmes de la corruption. Les Romains, chastes, austères, désintéressés, quand ils encensaient Mars l'impitoyable, Jupiter l'adultère, Vénus l'impudique, ou Mercure le protecteur de la fraude, se sont montrés dépravés dans leurs mœurs, insatiables dans leur avidité, barbares dans leur égoïsme, lorsqu'ils ont délaissé les autels de ces divinités féroces ou licencieuses.

D'où vient ce phénomène bizarre? Les hommes s'amélioreraient-ils en adorant le vice? Se pervertiraient-ils en cessant de l'adorer?

Non, sans doute; mais aussi long-temps que le sentiment religieux domine la forme, il exerce sur elle sa force réparatrice. La raison en est simple : le sentiment religieux est une émotion du même genre que toutes nos émotions naturelles; il est, en conséquence, toujours d'accord avec elles. Il est toujours d'accord avec la sympathie, la pitié, la justice, en un mot, avec toutes les vertus (1). Il s'en

(1) Un écrivain, qui ne manque ni d'habileté ni de talent, a tenté d'obscurcir cette vérité. Il a frappé d'anathême le sentiment religieux. Il l'a peint d'abord comme

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