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de la répugnance pour cette derniere, 21 44firent ne faire ufage que de la plus belle. Clinias. Nous le devons. L'Atlén. En touLES les chofes qui font accompagnées de gudig o agrément, n'eft-ce pas une néceffité, ou que cet agrément foit la feule chofe qui les ren de dignes de nos empreffemens, ou qu'il s'y joigne quelque raifon de bonté intrinfugas, ou enfin d'utilité? Par exemple, le manger le boire, en général tout aliment a une cortaine douceur qui en eft inféparable, ôi que nous nommons plaifir; mais fa bonté intrin feque & fon utilité conffte en ce qu'il et falutaire au corps. Clintas. J'en conviens. L'A then. La Science a pareillement fon agriment & fon plaifir: quant à fa bonté, fon utilité, fa beauté, elle tient tout cela de la vérité. Climias. La chofe eft telle que vous dites. L'Athén. Mais quoi? par rapport aux arts dont le but et l'imitation, n'a-t-on pas raifon d'appeller agrement, le plaifir qu'ils ne manquent jamais de procurer, lorfqu'ils atteignent leur but, & que d'ailleurs il eft naturel que ce plaifir les accompagne? CHniar. Oui. L'Athén. Pour ce qui eft de la perfection de leurs ouvrages, ce n'est point

du plaifir qu'ils caufent qu'elle dépend, mais, pour le dire en un mot, du rapport d'égalité & de reffemblance entre l'imitation & la chofe imitée. Clinias. Fort bien. L'Athén. Le plaifir n'est donc une régle juste d'estimation, qu'à l'égard des chofes qui n'ont pour objet ni l'utilité, ni la vérité, ni la reffemblance, & qui d'un autre côté n'apportent avec elles aucun dommage; mais qu'on cherche à fe procurer uniquement en vue de cet agrément qui accompagne l'utilité, la vérité, la reffemblance, & qu'on peut très-bien appeller plaisir, lorfque rien de tout cela ne marche à fa fuite. Clinias. Vous ne parlez que du plaifir qui n'a rien de nuifible. L'Athén. Oui; & je lui donne le nom de divertiffement, lorfque d'ailleurs il n'est suivi d'aucun mal, ni d'aucun bien tant foit confidérable. Clinias. Vous avez raison. L'ATHÉN. De ces principes ne faut-il pas conclure qu'il n'appartient ni au plaifir ni à aucune opinion trompeufe, de juger des arts qui confiftent dans l'imitation, & les rapports d'égalité? car l'égalité & la proportion ne font fondées ni fur le jugement qu'en portent les fens, ni fur le plaifir qu'on peut y

peu

trouver, mais principalement fur la vérité, & prefque point fur tout le refte. Clinias. Sans contredit. L'Athén. Or qu'est ce que la Mufique, finon un art de représentation & d'imitation? Clinias. Rien autre chofe. L'Athén. Il ne faut donc pas écouter ceux qui difent qu'on doit juger de la Mufique par le plaifir, ni rechercher comme digne de nôtre empreffement celle qui n'auroit d'autre objet que le plaifir, mais celle qui contient en foi la reffemblance du beau. Clinias. Cela eft très-vrai. L'Athén. Ainfi nos vieillards qui veulent pour eux ce qu'il y a de plus parfait dans le chant & la Mufique, ne s'attacheront point à celle qui est agréable, mais à celle qui eft bonne en foi. La bonté de l'imitation confifte en effet, comme nous avons dit, dans l'exacte représentation de la chofe imitée. Clinias. Sans doute. L'Athén. Et tout le monde convient affez que les ouvrages de la Mufique ne font qu'imitation & représentation. N'eft-ce pas de quoi tomberont aifément d'accord les Poëtes, les Spectateurs & les Acteurs? Clinias. Oui. L'Athén. Par conféquent pour ne point fe tromper dans fon jugement fur chacun de ces ouvrages, il en

faut connoître la nature d'autant que fi l'on ne connoit ni l'effence d'un ouvrage, ni la chofe dont il eft la représentation, il n'est pas poffible de bien juger s'il ne péche en rien, ou s'il a quelque défaut de rectitude. Clinias. Comment cela fe pourroit-il? L'Athén. Mais fi on n'a nulle idée de la rectitude d'une chofe, fera-t-on en état de difcerner fi elle est bien ou mal faite ? Je ne m'explique point affez clairement: peut-être me ferai-je mieux entendre de cette maniere. Clinias. De quelle maniere, s'il vous plaît?

L'ATHÉN. Il y a un nombre infini d'imitations faites pour la vue. Clinias. Oui. L'Athén. Si l'on ne connoit en aucune façon les objets qui ont fervi de modele à l'ouvrier, peut-on bien juger de l'exactitude de fon travail, fi les proportions font bien gardées; fi chaque partie eft dans la pofition qui lui convient; quelles font ces proportions, & quel eft l'arrangement refpectif des parties, afin que chacune foit à fa place; & encore fi les couleurs & les attitudes font naturelles ou s'il n'y a ni ordre ni deffein dans l'exécution? Vous femble-t-il qu'on puiffe prononcer fur tout cela, fi l'on n'a nulle idée.

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de l'animal que l'ouvrier s'eft propofé d'imiter? Clinias. Comment le pourroit-on? L'Athén. Mais lorsqu'on fçait que l'objet que l'ouvrier a voulu peindre ou jetter en moule, eft un homme, & que celui-ci au moyen de fon art en a exprimé toutes les parties, avec la couleur & la forme qui leur conviennent; n'est-ce pas une néceflité qu'avec ces connoiffances on foit en état de juger d'un coup d'oeil fi l'ouvrage eft achevé, ou s'il y manque encore quelque chofe? car nous connoiffons prefque tous ce qu'il y a de beau dans chaque animal. Clinias. Vous avez raifon. L'Athén. En général, à l'égard de toute imitation, foit en Peinture, foit en Mufique, foit en tout autre genre, ne faut-il pas, pour en porter un jugement raifonné, connoître ces trois chofes; en premier lieu, l'objet-imité; en fecond lieu, fi l'imitation eft fidele; enfin, fi elle est belle, foit pour les paroles, foit pour la mélodie, foit pour la mefure ? Clinias. Il me paroît que oui.

L'ATHÉN. Voyons donc ce qui fait la difficulté de bien juger par rapport à la Musique, & ne nous rebutons pas. Comme c'eft de:

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