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qu'à nous coller en quelque forte à eux: lorfqu'on en eft venu à ce point, c'est une néceffité qu'on faffe & qu'on fouffre ce qu'il eft naturel que les méchans faffent & difent entre eux. Cet état n'est point juf tice; (car le jufte est beau, & la justice auffi;) mais c'est une punition qui fuit l'injustice. Le méchant qui l'éprouve & celui qui ne l'éprouve pas font également malheureux; celui-ci, parce qu'il est privé du feul remede qui puiffe le guérir; celui-là, parce que fa perte fert à beaucoup d'au tres de préfervatif.

Le vrai honneur de l'homme, pour le dire en général, confifte à fuivre ce qu'il y a de meilleur en nous, & à donner tou te la perfection poffible à ce qui eft moins bon, mais fufceptible d'amendement. Or il n'eft rien dans l'homme qui ait naturellement plus de difpofition que l'ame, d'unc part à fuir le mal, & de l'autre à pourfuivre le fouverain bien, à l'atteindre, & Forfqu'elle y est parvenue, à demeurer avec lui tout le refte de fa vie. C'est auffi pour cette raison que je lui ai donné le fecond rang dans nôtre estime.

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QUICONQUE Voudra un peu réfléchir, trouvera que dans l'ordre naturel le corps: mérite la troifieme place. Mais il faut examiner quels font les honneurs qui lui font propres, & difcerner les vrais d'avec les faux. Ce difcernement appartient au Légiflateur, & voici, ce me femble, ce qu'il nous déclare à ce fujet. Ce n'eft ni la beauté, ni la force, ni la vîteffe, ni la taille avantageuse, ni même, comme la plûpart fe l'imaginent, la fanté, qui font le mérite du corps, non plus que les qualités contraires. Un jufte tempérament qui tient quelque chofe de toutes ces qualités oppofées, est bien plus fûr, & plus propre à nous inspirer la modération car les premieres remplifssend l'ame d'enflure & de préfomption; & les fer condes y font naître des fentimens bas & rampans.

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On doit porter le même jugement touchant la poffeffion de l'argent & des autres biens de fortune, qui ne font estimables que dans la même mefure. Les richeffes exceffives font pour les Etats & les particuliers une fource de féditions & d'inimitiés: l'extrémité oppofée conduit d'ordinaire à l'ef

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clavage. Que perfonne donc n'accumule des thréfors en vue de fes enfans, pour leur laiffer après foi un riche héritage: ce n'est ni leur avantage, ni celui de l'Etat. Un revenu modique qui n'expofe point leur jeuneffe aux piéges des flatteurs, & ne les laiffe pas manquer du néceffaire, eft ce qu'il y a de meilleur & de plus conforme à l'ordre: la médiocrité banniffant de la vie les chagrins, par l'accord & l'harmonie qu'elle y entretient. Ce n'eft point des monceaux d'or, mais un grand fond de pudeur qu'il faut laiffer à fes enfans. On croit leur infpirer cette vertu, en les reprenant lorfqu'ils la bleffent dans leur conduite. Mais ces avis paffagers qu'on leur donne, & ces maximes par lefquelles on leur fait entendre que la modeftie fied bien à un jeune homme en tous tes rencontres, ne font pas ce qu'il y a de plus efficace. Le fåge Légiflateur exhortera plutôt les vieillards à respecter les jeunes gens, & à être continuellement fur leurs gardes, pour ne rien dire & ne rien faire d'indécent en leur préfence, parce que c'eft une néceffité que la jeuneffe apprenne à ne rougir de rien, lorfque la vieilleffe lui en

donne l'exemple. La véritable éducation & de la jeuneffe & de tous les âges de la vie, ne confifte point à reprendre, mais à faire conftamment ce qu'on diroit aux autres en les reprenant..

CELUI qui aura du refpect & de la vénération pour fa parenté, & pour les Dieux protecteurs de ceux qui fortent du même fang que lui, a lieu d'efpérer que ces mêmes Dieux lui feront propices dans la procréacetion de fes enfans. A l'égard des amitiés &

des liaifons dans le commerce de la vie, la vraye maniere de fe faire des amis, eft de relever & de prifer les fervices qu'on en reçoit, plus qu'ils ne les prifent eux-mêmes; & de rabaiffer les fervices qu'on leur rend, au-deffous du prix qu'ils y mettent. Le plus grand fervice qu'on puiffe rendre à sa patrie & à fes concitoyens, eft de travailler à fe fignaler, non aux jeux olympiques, ni aux autres combats, foit en guerre, foit en le paix, mais par fa foumiffion aux loix de l'Eftat, & à fe faire la réputation d'y avoir été le plus fidele de tous pendant fa vie..

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Qu'on fe perfuade que rien n'eft plus faque les engagemens contractés avec les

Etrangers; que tout ce qui leur appartient eft fous la protection de la Divinité, & qu'elle vengera plus févérement les fautes commises contre leurs intérêts, que contre ceux d'un citoyen: parce que l'Etranger étant deftitué du fecours de fes parens & de fes amis, a de quoi toucher davantage de compaffion les hommes & les Dieux. Ainfi celui qui a plus de pouvoir pour le venger, vole auffi plus promptement à fon fecours. Or ce pouvoir a été fpécialement confié au Génie & au Dieu qui marche à la fuite de Jupiter hofpitalier. C'eft pourquoi, pour peu qu'on foit attentif à fes propres inté rêts, on ne négligera rien pour arriver au terme de la vie, fans avoir à fe reprocher aucune faute commife en la perfonne des Etrangers. Mais de tous les manquemens dont on peut fe rendre coupable tant à l'égard des Etrangers que des citoyens, le plus grand eft celui qui concerne les Supplians. Car le même Dieu que le Suppliant a pris à témoin de la fureté des promeffes qu'on lui a faites, veille particuliérement für fa perfonne, & ne laiffera point impuni le mal qu'il aura fouffert.

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