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de la Magiftrature fera chargé de prendre des mefures relativement à cette augmentation ou diminution de citoyens; & de faire enforte qu'il n'y ait jamais ni plus ni moins de cinq mille quarante familles. Il y a plufieurs moyens d'en venir à bout. On peut d'une part arrêter ceux qui feroient expofés à avoir un trop grand nombre d'enfans; & d'autre part favorifer la population par les foins, les empreffemens, les distinctions honorables, la flétriffure & les avis donnés à propos aux jeunes gens par les vieillards.

ENFIN, s'il étoit abfolument impoffible de s'en tenir au nombre de cinq mille quarante familles, & que l'union entre les deux fexes produisît une trop grande affluence de fujets dans cet embarras il fera toujours libre de recourir à l'ancien expédient, dont nous avons tant de fois parlé, je veux dire, d'envoyer avec des témoignages réciproques d'amitié l'excédent des citoyens s'établir en quelque autre lieu qu'on aura jugé convenable. Et fi par un accident contraire, l'Etat affligé d'un déluge de maladies, ou ravagé par la guerre, voyoit le nombre de fes habitans beaucoup moindre qu'il ne doit être; Tome 1.

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autant qu'il fe pourra faire, il ne faudra point fuppléer à cette difette, en introduifant des Etrangers qui n'auroient reçu qu'une éducation batarde. Mais, comme l'on dit, Dieu même ne fçauroit faire violence à la néceffité.

ADRESSONS donc la parole à nos citoyens, & donnons-leur par forme d'instruction un précis du difcours précédent. O les plus vertueux des hommes! efforcez-vous d'être toujours femblables à vous-mêmes; honorez l'égalité, l'uniformité & la convenance établie par la nature, tant en ce qui concerne vôtre nombre, qu'en tout ce qui eft beau & louable. Et d'abord pour le nombre, ne fortez jamais des bornes qu'on vous a affignées. Ne méprifez pas non plus la fortune modique qui vous est échue, & que votre portion d'héritage n'entre jamais dans aucun contrat de vente ou d'achat. Si vous le faites, ni le Dieu qui a préfidé à vôtre partage, ni le Légiflateur ne ratifieront de pareils engagemens. (5)

(5) C'étoit, dit Héraclide, une chofe honteufe chez les Lacédémoniens de vendre fes terres ; & il étoit dé fendu par la loi à chaque citoyen de divifer entre plufteurs la portion d'héritage qui lui avoit été affignée dès le commencement.

C'EST ici que la loi commence pour la premiere fois à parler en maîtreffe, déclarant à celui qui ne fe rendroit point à fes infinuations, qu'il doit ne point accepter de portion, ou fe foumettre aux conditions prefentes; qui font en premier licu, de regarder leur héritage comme confacré à tous les Dieux: en fecond lieu, de trouver bon que les Prêtres & les Prétreffes dans les premiers, les feconds & même les trofficmes facrifices, prient les Dieux de punir d'une peine proportionnée à fa faute, quiconque venira fa terre & fa maifon, & quiconque acheter. On gravera le nom de chaque cingen avec Templacement de for héritage Iz des tablas de cypres, (6) expofées dans la comples pour fervir de montons à la plate: & la garde da on monens fora Confes any Mag * plus diabroyits; af Se rien de ce a

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lateur & des Dieux. Au refte, pour me fervir de l'ancien proverbe, jamais aucun méchant ne comprendra combien ce réglement avec les autres qu'il amene à fa fuite, eft avantageux pour un Etat qui le pratique fidélement: il faut pour cela en avoir fait l'épreuve, & avoir beaucoup de modération dans le caractere. En effet ce réglement éteint dans prefque tous les cœurs la paffion de s'enrichir; & il en réfulte clairement qu'aucune des voyes baffes & fordides de faire fortune, n'est légitime ni permife; rien n'étant plus oppofé à la nobleffe des fentimens, que ces profeffions méchaniques & ferviles; & qu'il faut tenir au-deffous de foi d'amaffer du bien par de femblables moyens,

CETTE loi eft naturellement fuivie d'une autre, qui défend à tout particulier d'avoir chez foi ni or ni argent; mais comme il eft nécessaire d'avoir une monnoye pour les échanges journaliers, foit pour payer aux ou vriers le prix de leurs marchandifes, & pour d'autres ufages femblables, foit pour donner le falaire aux mercenaires, aux efclaves, aux fermiers; on aura à cet effet une mon noye courante dans le pays, mais qui ne fe

ra d'aucune valeur aux yeux des Etrangers. (7) Quant à celle qui a cours dans la Grece, l'Etat ne s'en fervira que pour les expéditions militaires, les ambaffades, les voyages, & les dépenfes publiques de cette nature. Si quelque particulier fe. trouve dans la néceffité de voyager, il ne le fera qu'après en avoir obtenu la permiffion du Magistrat; & s'il lui refte à fon retour quelques pieces de monnoye étrangere, il' les portera au thréfor public, pour en recevoir la valeur en efpeces du pays. Si l'on découvre qu'il ait détourné quelque partie de cet argent, la confifcation aura lieu: celui qui l'ayant fçu ne l'aura pas déféré aux Magistrats, sera sujet aux mêmes imprécations & aux mêmes opprobres que le coupable, & de plus condamné à une amende non moindre que la monnoye étrangere qui aura été détournée.

(7) A Sparte la monnoye étoit de fer. On faifoit la vi fite des maisons, pour découvrir s'il y avoit de l'or ou de l'argent caché, & on puniffoit les coupables. Xénophon. Rép. de Lacédém. Voyez auffi Plutarque, Vie de Lycurgue, où il releve les bons effets de cette inftitution. Par malheur elle ne dura gueres. Platon taxe en plus d'un endroit les Lacédémoniens d'avarice: Et Xénophon remarque en général que de fon tems, les loix étoient bien déchues de leur vigueur à Sparte; ce qu'il attribue prin cipalement à l'ambition.

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