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ft ftitution lui donne une fupériorité marquée en à la guerre fur les autres Etats. N'est-ce X, pas? Clinias. Oui: & je penfe que Mégille eft en cela de mon avis. Mégille. Comment, mon cher Clinias, un Lacédémonien pourroit-il être d'un autre avis? L'Athén. Mais cette constitution qui eft bonne pour les Cités à l'égard des autres Cités, ne feroit-elle pas mauvaise pour une bourgade à l'égard d'une autre bourgade? Clinias. Point du tout. L'Athén. C'est donc la même chofe? Clinias. Oui. L'Athén. Mais quoi ? eft ce auffi la même chofe pour chaque famille d'une bourgade par rapport aux autres familles, & pour chaque particulier à l'égard des autres particuliers? Clinias. Oui. L'Athén. Et le particulier lui-même, faut-il qu'il fe nt regarde comme fon propre ennemi? que dirons-nous à cela ? Clinias. Etranger Athé nien, (car je vous ferois injure de vous appeller habitant de l'Attique, & vous me paroiffez mériter plutôt d'être appellé du nom même de la Déeffe ), (6) vous avez jetté fur notre difcours une nouvelle clarté, en

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(6) Minerve, en grec Athént

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le ramenant droit au principe: enforte qu'il vous fera plus aifé de connoître la vérité de ce que nous venons de dire, que tous font ennemis de tous, tant les Etats que les particuliers, & que chaque individu eften guerre avec lui-même. L'Athén. Comment cela, je vous prie? Clinias. Par rapport à chaque individu, la premiere & la plus excellente des victoires, eft celle qu'on remporte fur foi-même; comme auffi de toutes les défaites la plus honteufe & la plus funefte, eft d'être vaincu par foi-même; ce qui fuppofe clairement que chacun de nous éprou ve une guerre inteftine.

L'ATHEN. Renverfons donc l'ordre de ce difcours. Puifque les individus de nôtre efpece font les uns fupérieurs, les autres inférieurs à eux-mêmes, dirons-nous que cela a également lieu à l'égard des familles, des bourgs & des cités; ou ne le dirons - nous pas? Clinias. Quoi? que les unes font fupérieures à elles-mêmes, les autres inférieures? L'Athén. Oui. Clinias. C'eft avec beaucoup de raifon que vous me faites cette demande: car les Etats font abfolument à cet égard dans le même cas que les particuliers.

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Et de vrai, par-tout où les bons citoyens

ont l'avantage fur les méchans, qui font le on grand nombre, on peut dire d'un tel Etat ar qu'il eft fupérieur à lui-même; & une pareille victoire mérite à jufte titre les plus la, grands éloges: c'eft le contraire par-tout a où le contraire arrive. L'Athén. N'exami el nons pas pour le préfent s'il fe peut faire rt quelquefois que la partie. mauvaise ait. l'adé vantage fur la bonne; cela nous meneroit e trop loin (7). Je comprends vôtre penfée:

vous voulez dire que dans un Etat compofé o de citoyens, formant entre eux une espece

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de famille, il arrive quelquefois que la multitude des méchans venant à fe réunir, met

la force en ufage pour fubjuguer le petit in nombre des bons; que quand les méchans el ont le deffus, on peut dire avec raifon que F'Etat eft inférieur à lui-même & mauvais; Ju qu'au contraire, lorfqu'ils ont le deffous, il fu eft bon & fupérieur à lui-même. Clinias. Il eft vrai, Etranger, qu'au premier abord cela paroît étrange à concevoir; cependant il

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(7) Il y a dans le grec une équivoque fur le mot spettrov, qui fignifie plus fort & meilleur ; ce qui rend la phrafe fujette à difcuffion, comme étant vrayê en un fens, & faulle en un autre.

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faut de toute néceffité convenir que la cho fe eft ainfi.

L'ATHÉN. Arrêtez un moment, & examinons de nouveau ceci. Suppofons plufieurs freres nés du même pere & de la même mere. Ce ne feroit pas une chofe extraordinaire que la plupart fuffent méchans, & que le petit nombre fût celui des bons. Clinias. Non. L'Athén. Il ne feroit pas féant, ni à vous, ni à moi, de nous attacher à prouver que, fi les méchans étoient les plus forts, toute la maifon & la famille feroit dite avec raifon inférieure à elle-même, & fupérieure, s'ils étoient les plus foibles: car le but de nôtre entretien n'eft point de prononcer fur le plus ou le moins de justesse de ces expreffions, qui font d'un ufage commun; mais de chercher dans la nature même des loix, ce qui en conftitue la rectitude ou le défaut. Clinias. Rien de plus vrai que ce que vous dites, Etranger. Mégille. Pour dire auffi mon avis, je fuis content jufqu'à préfent de ce que je viens d'entendre.

L'ATHÉN. Confidérons encore ce qui fuit. Ne peut-on pas fuppofer que ces freres dont j'ai parlé tout à l'heure, ont un juge? Cli

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nias. Sans doute. L'Athén. Quel feroit le meilleur juge, celui qui feroit mourir tous ceux d'entre eux qui font méchans, & ordonneroit aux bons de fe gouverner eux

e mêmes; ou celui qui remettant toute l'autorité aux bons, laifferoit la vie aux méchans, après les avoir engagés à fe foumettre volontairement aux autres ? Et s'il s'en trouvoit un troifieme, qui fe chargeant de remédier aux divifions d'une telle famille, fans faire mourir perfonne, imaginât un moyen de réconcilier les efprits, & de les rendre tous amis pour la fuite, en leur faifant obferver de certaines loix; ce dernier l'emporteroit fans doute fur les deux autres. Clinias. Ce juge, ce légiflateur feroit le meilleur fans comparaifon. L'Athén. Cependant dans les loix qu'il leur propoferoit, il tauroit en vue un objet directement oppofé à celui de la guerre, Clinias. Cela eft vrai.

L'ATHÉN. Mais quoi ? lorfqu'il s'agit de policer un Etat, le Légiflateur parviendrat-il plus furement à fon but, en rapportant toutes fès loix aux guerres du dehors, plutôt qu'à cette guerre inteftine, appellée fédition, qui fe forme de tems en tems dans

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