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Dixon, Kroeber et Sapir, sous le nom de famille Hoka, sont apparentées entre elles malgré leur profonde différenciation.

Ce qui est plus grave pour une étude du genre de celle que j'ai entreprise, c'est qu'il n'y a pas de grammaire comparée de la famille et que les vocabulaires comparés Hoka publiés jusqu'ici sont fragmentaires '. Les monographies et les travaux de synthèse partielle que j'ai utilisés (8; 36; 37; 38; 39: 54; 66; 80; 81; 82; 83; 84; 85; 101; 121; 142; 143; 144; 145; 146; 159; 2; 1 bis ; 64 bis) ne m'ont fourni que rarement tous les éléments de comparaison que je souhaitais, parce qu'ils sont basés sur des documents de valeur et de quantité très inégales suivant les langues. L'absence de grammaire comparée est particulièrement sensible: elle m'a obligé à limiter trop souvent mes comparaisons grammaticales à quelques langues de la famille. La démonstration eût certainement gagné à être plus étendue, mais dans l'état actuel de nos connaissances, cela me paraît impossible.

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Si j'insiste sur les difficultés auxquelles je me suis heurté, ce n'est certes pas dans un esprit de critique envers les travaux de mes collégues américains, car nul plus que moi n'apprécie et n'admire leur labeur opiniâtre et fécond dans un domaine particulièrement ardu et ingrat, mais je devais signaler ces difficultés pour expliquer certaines insuffisances dans mes comparaisons lexicales et grammaticales pour la partie américaine. Pour la partie malayo-polynésienne, les excellents travaux abondent. heureusement, encore que l'on ne possède pas encore de vocabulaire comparé pour l'ensemble de la famille. J'ai dû renoncer à les utiliser tous, mais j'ai largement profité des travaux savants de Codrington (31), de Ray (125; 126; 127; 128), de Ivens (72; 73), de Treagear (166; 168), de Churchill (27; 28; 29; 47), de Brandstetter (14; 15; 16: 17; 18; 19 ; 20; 21; 22) et de Rosenberg (140). Pour l'idiome de l'île de Pâques, j'ai également trouvé de bons matériaux de comparaison dans les vocabulaires de H. Roussel (141) et de Bienvenido de Estella (46). Je dois à ce dernier un souvenir particulièrement reconnaissant puisque c'est là que j'ai trouvé les premières similitudes lexicales qui ont été le début de cette étude. Je signalerai encore parmi mes sources les vocabulaires recueillis par le Père A. Colomb en Micronésie (33; 34).

Malgré l'insuffisance des vocabulaires que nous possédons pour le Hoka, je n'en ai pas moins relevé 281 radicaux nettement identiques à des radicaux malayo-polynésiens. On pourra facilement se rendre compte en

1. Mon excellent ami Paul Radin m'a rendu le grand service de me prèter un vocabulaire comparé partiel Hoka, qu'il possédait sur fiches. Ce document m'a été d'un très grand secours pour mes comparaisons.

parcourant le vocabulaire comparatif placé à la fin de ce mémoire que ces radicaux se rapportent pour la plupart, sinon tous, à des mots essentiels de la langue.

A ces arguments d'ordre lexical, il m'est possible de joindre un certain nombre de preuves tirées de la morphologie et de la grammaire des deux groupes comparés. J'ai suivi dans l'exposé de ces preuves le plan adopté par tous les grammairiens du Malayo-Polynésien, bien qu'il me soit apparu qu'un regroupement des faits morphologiques aurait pu être tenté avec avantage du point de vue strictement linguistique. Les désinences d'adjectifs et les suffixes verbaux auraient dû sans doute être étudiés dans un même chapitre, ce qui eût évité des répétitions. La même remarque s'applique aux particules verbales, aux particules adjectives et aux particules numérales. Si je n'ai pas cru devoir présenter mes comparaisons sous cette forme nouvelle, plus conforme sans aucun doute à l'esprit des langues étudiées, c'est pour maintenir un parallélisme aussi étroit que possible entre mon étude et les travaux qui font autorité en linguistique malayo-polynésienne et pour rendre de ce fait ma démonstration plus claire et plus facilement contrôlable.

Pronoms. Il existe en Mélanésien une double série de pronoms, une série indépendante et une série qui ne s'emploie que suffixée aux noms et aux prépositions (31, 112-128).

J'ai pu retrouver dans un certain nombre de dialectes de la famille Hoka le radical de deux des pronoms indépendants correspondant à la 1re et à la 3a personnes (na ou nya, 1re pers. ; ia, 3o pers.) (Cf. vocabulaire comparatif, nos 128 et 125). Il est à remarquer en outre que le pronom de la 3 personne ia, qui, en Malayo-Polynésien, est parfois précédé du préfixe ko- ou ‘o-, présente, en Tonto et en Salina, un préfixe identique : ka-ya et he-yo".

La série suffixée du Mélanésien répond au paradygme :

1re pers. ka,

2e pers. ma,

3o pers. nə.

Elle a pour correspondant en Malayo-Polynésien, d'après Codrington et Brandstetter:

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Il convient de faire remarquer qu'en Indonésien, ces formes sont tantôt préfixées (par exemple en Toba, en Malais, en Baree et en Tettum), tantôt suffixées (par exemple en Bontok) (20, 52). En Makassar et en Bugis, elles sont placées avant le verbe quand elles jouent le rôle de pronoms, après le substantif quand elles jouent le rôle de possessifs: Makassar : na-lampa, il va, anaq-na, son enfant ; Bugis : na-lao, il va, anaq-na, son enfant (18, 51-52).

J'ai retrouvé en Hoka les trois formes du Malayo-Polynésien, mais le plus souvent comme pronoms indépendants ou préfixés (Cf. vocabulaire comparatif, nos 124, 129 et 248). Toutefois, en Salina, les formes ke et me (1re et 2 pers.) ne s'emploient que suffixées à des adverbes de lieu ou à des prépositions: tewa ko-k'e, près de moi; ake-me' où es-tu? (101, 33); en Cimariko, mi- pronom est toujours préfixé, alors que mi possessif est tantôt suffixé, tantôt préfixé (37, 323-327) ; en Čontal, le pronom est postposé (2, 1041).

Article. - En Mélanésien, il existe un article qui n'est autre que le démonstratif. On note n- dans la plupart des dialectes, te- dans le dialecte de Santa-Cruz (31, 107-108).

En Polynésien, c'est la forme t- qui domine:

Polynésien te-, de- (3-7), tě-, ti-, ti- (4), te- (8-9-36-37-30-19-20-2324-28-12-22-25), ta- (25-27-7-20-12), ti- (12-13-37), de- (14), fe- (3), se(15), ti- (37).

10, te, ta à Rapanui, ta à Mangareva sont des démonstratifs. L'Arorai (Micronésien) a l'article te- (34, 129).

La forme n- ne se rencontre qu'à Pikiram: nia- ; à Nukuoro : ne- (avec les possessifs); à Rapanui et à Mangareva : na; aux Marquises, à Pilheni, à Nuguria, à Moiki et à Tahiti : na (pluriel).

na est originellement un démonstratif.

L'Arorai (Micronésien) a aussi l'article nei (34,
L'Indonésien présente les deux formes (21).

129).

En Kamber, l'article est na-, en Bontok nan, en Balinais ne-, en Malgache ni-, en Baree et en Tontemboan n-. En Minankaba, nan est un article de liaison.

La seconde forme se rencontre en Bima -de, -ede, en Bugis ede, en Dayak -tä, en Ilokan ti-, en Masaret di-, en Tagal d-, en Malgache za- (14, 79), et on peut, je crois, y adjoindre l'article si- du Nias et ši- du Mentaway.

Si ce rapprochement est exact, l'article dit personnel de presque toutes les langues indonésiennes si- (31, 110; 21) ne serait qu'une spécialisation de l'article ordinaire.

1. Les différents dialectes des groupes comparés sont indiqués par des numéros conformément au tableau des pages 191-196.

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Comme en Mélanésien et en Polynésien, les articles t- et n- de l'Indonésien se confondent souvent avec les démonstratifs. C'est ainsi que ti et ni sont des démonstratifs en Busang, que l'article -tä du Dayak est également un démonstratif, identique à ta du vieux Javanais, et que di- du Masaret est à la fois article et démonstratif.

Les faits Hoka sont absolument superposables.

Nous retrouvons dans cette famille comme démonstratifs les deux formes malayo-polynésiennes (Cf. vocabulaire comparatif nos 36 et 124), et en Koahuiltek, ta joue à la fois le rôle de démonstratif et d'article. Le préfixe nominal ț- (tš-, s-, 1-, ts-, š-), très fréquent en Salina, a été assimilé à un article ou à un démonstratif incorporé (101, 29; 80, 46). La même interprétation a été proposée pour le préfixe t ou ts- du Cumaš (82, 268). En outre, dans cette langue, Kroeber a relevé la fréquence de l'infixe -its-, -its-, dans les noms de parenté (80, 42): k-its-antük, mon ami; ma-k-its-is, mon jeune frère (= le-mon-frère); ma-k-its-tu'n, mon enfant (le-mon-enfant). Il se peut que cet infixe ait dans ces cas la signification de l'article personnel si-, dont il est question plus haut. En Wašo, on rencontre un préfixe nominal d- dans les substantifs commençant par une voyelle (81, 275-277) :

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Ce préfixe n'apparaît dans les substantifs commençant par une consonne, que lorsque ceux-ci sont précédés de l'adjectif possessif de la 1re ou de la 2e personne :

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Sapir, qui a signalé ces faits intéressants, suppose que d- dérive du démonstratif *ta (146, 496, 501). C'est en somme un article.

En Yana septentrional et central, le même auteur a constaté l'existence d'une sorte d'article ou de démonstratif, associé au possessif qui est postposé : dji- pour la première personne, dju- pour la seconde :

dji-wawi-ndja, ma maison,
dji-wawi-nigi, notre maison,
dju-wawi'-numa, ta maison,

dju-wawi'-nuga, votre maison,

et interprété de la même façon un des éléments du possessif du Yana méridional dj-: dj-i-wowi, la-ma-maison, dju-m-wowi, la-ta-maison (142, 24-25).

La même particule se rencontre encore en Yuma, où elle joue le rôle

d'un article défini, mais elle est le plus souvent suffixée (54, 367). En voici quelques exemples:

Kočimi : ta-máti, serpent à sonnettes [mui, en Pomo].

Marikopa e-pât-che, flèche; takeá-tche, hache; nanquaró-tche, couteau ; quilho-tche, canot; ken yam'-tche, nuit ; n'yá-tche, jour, e-nn'ya-che,

nya-s, n'ya-ts, soleil; ahu-tch, feu ; evi-tch, pierre; i-ya-tche, bouche;
e-shal-ish, main; e-mé-sh, pied; e-wat-sh, cœur ; e-mat-ish, corps
e-schaque-s, os.

Kučan n'ya-tch, soleil; ei-tch, bois; abe-tche, serpent à sonnettes ; ého-tche, nez; ¿pul-tche, langue.

Kokopa inil-ch, cou; inal-tch, arbre; aaai-ch, bouche; amawha-ch. cheveu.

Tonto i-tika-ti, hache.

Mohave atamá-tche, herbe.

Diegueño sel-tch, bras; h'wal-tch, feuille; h'nal-tch, tortue; b'wi-tch,

serpent à sonnettes.

Il est tentant de rapprocher de ces faits la fréquence en Esselen de la terminaison nominale -s (80, 63):

tuma-s, diable; loto-s, flèche; mutška-s, matška-s, coyote; tšaphi-s, oiseaux; utsma-s, butšuma-s, chien; hoši-s, nez; tomani-s, nuit; mamane-s, feu; panasi-s, petit garçon; i-siki-s, belle-mère; amutata-s, étoiles.

Une particularité analogue existe en Šasta: xati-s, jambe.

Peut-être même le suffixe -ts du Karok, classé par Kroeber comme un diminutif (83, 428-429), doit-il rentrer plutôt dans l'ensemble des faits signalés ici :

pufi-ts, cerf; pihnefi-tš, coyote; apxan-tini-i-tš, chapeau-large, américain; kita-tš, petite-fille.

Enfin, je note en Čontal:

i-mi-ts, jambe [mi, cheville, en H'taäm]; i-sma-ts, oreille [shuma-1, en H'taäm; on-fan-ts, flèche [bál, pal, en Diegueño]; ama-ts, terre [ama, en Čimariko;

et en Tonkawa :

taga-s, taxa-s, soleil [tax, en Séri].

Article personnel.

les noms

En Mélanésien (31, 108-110; 125, 428), il existe très souvent, mais non d'une façon universelle, un article dit « personnel »>, qui est pour les noms l'article est pour propres ce que communs. Cet article personnel est également employé avec les termes de parenté et les noms d'agents. Dans certaines langues, il n'apparaît que dans les pronoms, spécialement les pronoms interrogatifs; il se présente sous les trois formes suivantes :

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